Perchée dans les contreforts de la Sierra de Tramuntana, à une demi-heure de Palma, Valldemossa est ce genre de village majorquin qui vous fait oublier les plages bondées et les resorts standardisés. Ici, pas de ballermann ni de cocktails fluorescents, mais des ruelles en pierre dorée qui sentent encore le thym et le bois de pin, des portails en fer forgé rouillés par les siècles, et une lumière dorée qui a inspiré Chopin et George Sand. **Que faire à Valldemossa** ? Commencez par vous perdre, littéralement. Car ce village de 2 000 âmes, accroché à 400 mètres d’altitude, se savoure comme un roman : chapitre après chapitre, cour intérieure après cour secrète.
Valldemossa n’est pas un musée à ciel ouvert, même si son monastère de la Cartuja (où Chopin composa ses Préludes en 1838) attire les mélomanes du monde entier. C’est un lieu vivant, où les vieux Majorquins jouent aux cartes sous les arcades de la Plaça de la Cartoixa, où les boulangers sortent encore le coca de patata (une brioche sucrée à la patate douce) des fours en pierre, et où les fêtes de Sant Bartomeu (fin août) transforment les places en arènes de botargas (démons dansants) et de xeremies (cornemuses locales). Ici, le tourisme se marie avec l’authenticité, à condition de savoir où poser les yeux—and où poser les pieds.
Entre pierre et légende : la Cartuja et les âmes du village
Le Real Cartuja de Valldemossa, avec ses cellules austères et son cloître silencieux, est le cœur historique du village—et son paradoxe. Fondé au XIVe siècle par le roi Jaume II de Majorque, ce monastère cartusien fut aussi une prison dorée pour des personnalités comme l’archiduc Luis Salvador de Habsburgo-Lorena, qui en fit sa résidence d’été. Aujourd’hui, les visiteurs déambulent entre la cellule n°4 (où Chopin logea avec George Sand) et la pharmacie monastique, avec ses pots en céramique étiquetés en latin. Mais au-delà des vitrines, c’est l’atmosphère qui frappe : cette odeur de cire et de lavande, ces murs épais qui étouffent les bruits de la rue, comme si le temps s’y était figé en 1839.
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Pourtant, Valldemossa n’est pas qu’un décor pour romantiques en mal d’exotisme. Les artisans locaux perpétuent des savoir-faire discrets : les sabaters (cordonniers) travaillent encore le cuir dans la Carrer de la Boteria, tandis que les teixidors (tisserands) proposent des tapis de llengües (motifs traditionnels) aux Marché des Artisans (le dimanche matin). Et si vous tombez sur une robiola (fromage frais de chèvre) ou un sobrassada (saucisse épicée) chez Ca’n Molinas, goûtez-les avec un verre de vi de la terra—le vin local, souvent servi dans des verres en cristal de Gordiola, une verrerie majorquine depuis 1719. Ici, même les détails ont une histoire.
La Cartuja de Valldemossa : un écrin de pierre où l’histoire murmure entre les cellules des moines
Perchée comme un nuage accroché à la Serra de Tramuntana, la Cartuja de Valldemossa est moins une visite qu’une plongée dans un silence épais, celui des moines chartreux qui, dès 1399, firent de ce monastère un haut lieu de contemplation. Les murs ocre, rongés par le temps et les embruns méditerranéens, racontent une histoire bien plus complexe qu’il n’y paraît. Fondée par le roi Jaume III de Majorque, la Chartreuse fut aussi prison dorée pour des nobles, refuge pour des artistes maudits, et même… usine à soie au XIXe siècle. Oui, vous avez bien lu.
Aujourd’hui, visiter la Cartuja de Valldemossa revient à arpenter un dédale de cellules austères (chaque moine avait la sienne, avec un petit jardin pour cultiver son âme et ses légumes), une église sobre où la lumière filtre comme une bénédiction, et un cloître où les orangers exhalent une douceur presque indécente. Les horaires d’ouverture varient selon la saison—10h à 17h en hiver, jusqu’à 18h en été—mais peu importe l’heure, l’endroit respire une sérénité qui contraste avec le flot de touristes déversé par les cars. Pro tip : venez tôt le matin, quand les pierres sont encore froides et que les groupes scolaires majorquins n’ont pas encore envahi les lieux. L’entrée coûte 10€, mais la vue sur les montagnes depuis le palais du roi Sancho (intégré au complexe) est inestimable.
Ce qui frappe, c’est l’absence de kitsch religieux. Pas de saints saignants ni d’anges baroques ici, juste une spiritualité brute, presque spartiate. Les chartreux vivaient dans un dépouillement extrême—un lit en bois, une table, un crucifix—et leur règle interdisait même de parler sans permission. Imaginez : des siècles de silence, rompus seulement par le frottement des sandales sur les dalles. Pourtant, c’est dans ce lieu que Frédéric Chopin et George Sand passèrent l’hiver 1838-1839, lui composant ses Préludes, elle écrivant Un hiver à Majorque. Leur cellule, transformée en musée, expose des manuscrits jaunis et un piano Pleyel qui, dit-on, grince encore sous les doigts des visiteurs trop zélés.
De l’ensaimada à l’herbero : où les gourmands trouvent leur paradis (et les diabétiques leur perte)
Valldemossa n’est pas qu’un musée à ciel ouvert. C’est aussi un pèlerinage gastronomique, et son saint graal, c’est l’ensaimada. Cette brioche en spirale, légère comme un cloud et sucrée comme un péché, est la spécialité locale—une tradition depuis le XVIIe siècle, quand les moines l’offraient aux pèlerins. Aujourd’hui, chaque boulangerie du village en fait sa version, mais toutes ne se valent pas. Pour une ensaimada artisanale à Valldemossa, deux adresses s’imposent : Ca’n Molinas (Carrer de la Rectoria, 3), où la pâte est travaillée à la main et fourrée à la cabello de ángel (une confiture de citrouille filandreuse), et Forn de s’Hereu (Plaça de la Cartoixa), réputé pour ses versions sobreasada (saucisse majorquine) ou même… au chocolat noir. Oui, les puristes grimaceront, mais essayez donc de résister.
Mais Valldemossa ne se résume pas à sa viennoiserie star. Les marchés artisanaux regorgent de trésors moins caloriques : sobrasada de Can Amer (un charcuterie familiale depuis 1920), huile d’olive mallorquina pressée à froid chez Oli de Mallorca, ou encore les herberos, ces liqueurs à base de plantes (romarin, fenouil, absinthe) que les anciens buvaient comme digestif. Le Mercat de Valldemossa, qui se tient le dimanche matin sur la Plaça Major, est l’endroit idéal pour goûter ces spécialités—entre deux stands de poteries et de siurells (ces figurines en terre cuite sifflantes, typiques de l’île). Et si vous tombez sur un vieux paysan vendant des tumbet (un gratin de légumes majorquin) en barquette, achetez sans hésiter. C’est le genre de plat qui vous fait maudire les salades tristes de votre vie passée.
L’alchimie des saveurs : où boire un café (ou un vin) comme un local
Pour digérer tout ça, deux options : le café ou le vin. Les puristes iront chez Ca’n Tony (Carrer de la Rectoria, 1), un troquet sans chichis où l’on sert un cafè caleta (un expresso allongé avec un nuage de lait et un zeste de citron) accompagné d’une pa amb oli—du pain de campagne frotté à l’ail, arrosé d’huile d’olive et saupoudré de sel. Le patron, Toni, est un personnage : il vous racontera peut-être comment son arrière-grand-père fournissait en vin les moines de la Chartreuse… avant de vous resservir un verre de malvasia, ce vin doux local qui sent le soleil et les amandes.
Pour une expérience plus bourgeoise, le Restaurant Valldemossa (Plaça de la Cartoixa, 8) propose une terrasse ombragée où déguster un tumbet revisité ou des frito mallorquín (abats de porc et légumes mijotés—oui, c’est bien meilleur que ça n’en a l’air). Leur carte des vins met à l’honneur les cépages autochtones comme le callet ou le manto negro. Et si vous croisez un plat appelé sopes mallorquines, commandez-le : cette soupe de pain, tomate et poivrons, née de la cuisine de récupération paysanne, est un voyage en soi.
merci. »
— Un vieux boulanger de Valldemossa, qui refusait de me donner sa recette.
Sur les traces de Chopin (et des chèvres) : randonnée vers Sóller par les sentiers maudits
Si Valldemossa est un bijou, la Serra de Tramuntana en est l’écrin. Et la randonnée de Valldemossa à Sóller—un parcours de 12 km (comptez 4-5 heures)—est l’une des plus belles façons de s’imprégner de l’âme sauvage de Majorque. Le sentier, balisé en PR-M 208, serpente à travers des oliveraies centenaires, des pins parasols tordus par le vent, et des margues (murets de pierre sèche) qui délimitent les propriétés depuis des siècles. Attention : le dénivelé est réel (environ 600 m), et certaines sections sont caillouteuses—des chaussures de rando s’imposent. Mais la récompense ? Des vues à couper le souffle sur la Badia de Palma, et l’impression d’être le dernier humain sur Terre.
Les fantômes du chemin : entre légendes et réalité
Le sentier est hanté—non pas par des spectres, mais par des histoires. À mi-parcours, vous croiserez la Finca de Son Moragues, une ancienne possession seigneuriale où, dit-on, les contrebandiers cachaient leur butin au XIXe siècle. Plus loin, près du Coll de s’Ofre, une croix en fer rouillée marque l’endroit où un berger se serait jeté dans le vide par amour—ou par folie, les versions divergent. Et puis, il y a les chèvres. Des centaines de chèvres noires, agiles comme des danseuses, qui bondissent entre les rochers. Leur clochette résonne comme une bande-son médiévale. Ne les approchez pas trop : elles mordent (les chèvres, pas les légendes).
Sóller, l’arrivée en apothéose (et le train en bois qui fait rêver les enfants)
L’arrivée à Sóller est un choc esthétique. Après des heures de marche dans le maquis, vous débarquez dans une vallée d’orangers, baignée par le Torrente Major, où les maisons modernistes aux façades de pierre blonde semblent sorties d’un conte de fées. Le train de Sóller—un vieux tortillard en bois datant de 1912—siffle en traversant la place, rempli de touristes émerveillés (et de locaux qui font semblant de ne pas l’être). Pour fêter votre exploit, offrez-vous un gelat de taronja (glace à l’orange amère) chez Sa Fabrica de Gelats, ou un verre de hierbas (une liqueur anisée) au Bar Brut, où les randonneurs échangent leurs blisters contre des tapas.
Chopin, George Sand et les autres : quand Valldemossa devient un personnage de roman
Les maisons de Chopin et George Sand à Valldemossa sont moins des musées que des théâtres d’ombres. La Cartaixa, où le couple séjournait, est déjà un personnage à part entière, mais leur présence a transformé le village en un lieu de pèlerinage romantique—au sens littéral. Chopin, tuberculeux et misérable, y composa certaines de ses œuvres les plus poétiques, tandis que George Sand, scandalisant les locaux avec ses pantalons et ses cigarettes, y écrivit un récit qui fit de Majorque une destination cult avant l’heure. Leur cellule, préservée comme une relique, expose des lettres où Sand se plaint du froid humide et des moines hostiles, tandis que Chopin, lui, ne parle que de la lumière dorée qui inonde les montagnes au crépuscule.
Aujourd’hui, leur héritage est partout : dans le nom du Festival Chopin (qui se tient chaque été dans le cloître de la Chartreuse), dans les concerts improvisés au Café Can Joan, où des pianistes viennent jouer sur un vieux Steinway désaccordé, ou même dans les boutiques typiques de Valldemossa comme La Botiga del Monestir, qui vend des partitions manuscrites (des fac-similés, bien sûr) et des flacons de parfum inspirés par les notes des Préludes. Oui, c’est kitsch. Oui, c’est magnifique.
L’héritage invisible : quand les artistes locaux reprennent le flambeau
Mais Valldemossa n’est pas qu’un musée à la gloire de deux Français célèbres. Le village fourmille d’artistes contemporains qui perpétuent—ou réinventent—son héritage culturel. La galerie Art Valldemossa (Carrer de la Rectoria) expose des peintures de Joan Bennàssar, un peintre majorquin obsédé par la lumière de la Tramuntana, tandis que l’atelier Taller de Ceràmica Can Prunera propose des stages pour apprendre à façonner des siurells ou des greixoneres (des plats en terre cuite traditionnels). Et puis, il y a les fêtes. Comme la Fira de Valldemossa (en juillet), où les rues s’animent de danses ball de bot (un folklore majorquin aux rythmes sourds et aux costumes chatoyants), ou la Festa de Sant Bartomeu (en août), où les habitants défilent avec des dimonis (démons en papier mâché) et des geganters (géants de bois). C’est dans ces moments que Valldemossa se révèle : non pas comme une carte postale figée, mais comme un village vivant, têtu, et profondément lui-même.
Majorque, ou l’art de se perdre entre mer turquoise et montagnes sacrées
Il y a des îles qui se laissent conquérir en un clin d’œil, et puis il y a Majorque, cette Baléare espagnole qui vous attrape par les sens pour ne plus vous lâcher. Entre les dunes immaculées d’Es Trenc, souvent comparée aux Caraïbes (mais en mieux, parce qu’ici, pas besoin de traverser l’Atlantique pour siroter une horchata glacée sous un pin parasol), et les pics escarpés de la Serra de Tramuntana, classés par l’UNESCO comme un chef-d’œuvre du paysage culturel méditerranéen, l’île est un paradoxe géologique et culturel. Les Majorquins, fiers et discrets, appellent leur terre sa terra — « leur terre » — et c’est exactement comme ça qu’on finit par la ressentir : comme une possession intime, un secret qu’on n’a pas envie de partager avec les hordes de touristes ivres de sangria bon marché à Magaluf.
Prenez le Cap de Formentor, cette langue de roche calcaire qui s’avance dans la mer comme un doigt accusateur pointé vers Menorca. Les routards en mal d’adrénaline s’y pressent pour les miradors vertigineux (celui de Es Colomer est une tuerie, surtout au coucher de soleil, quand la mer devient une nappe de mercure en fusion), mais peu s’attardent sur les histoires des carboners, ces charbonniers qui, jusqu’aux années 1950, vivaient dans des cabanes de pierre sèche en fabriquant du charbon de bois. Aujourd’hui, leurs descendants tiennent des cellers (caves à vin) où l’on déguste des vins de la tierra comme le Manto Negro, un rouge corsé qui sent la garrigue et le soleil brûlé. À Valldemossa, le village où Chopin passa un hiver maudit (trop froid, trop humide, mais quelle inspiration !), les vieilles dames tricotent encore des robas de llengües — ces tissus traditionnels aux motifs géométriques — tandis que les enfants courent entre les oliviers centenaires pour chaparder des tumbet, ce gratin de légumes majorquin qui sent l’été et l’huile d’olive de mallorquí.
Et puis il y a les grottes. Pas celles, kitschissimes, où l’on vous vend des coquillages peints à la main par des enfants sous-payés, mais les Grottes du Drach, un labyrinthe de stalactites et de lacs souterrains où, depuis 1935, un quatuor à cordes joue El Lago Azul sur des barques illuminées comme dans un opéra de Verdi. Les Majorquins adorent cette mise en scène un brin surannée — et les touristes aussi, d’ailleurs. Mais ce qu’on ne vous dit pas, c’est que ces grottes étaient autrefois des refuges pour les contrebandiers, qui y cachaient du tabac, de l’alcool, et parfois des hommes traqués par la Garde civile. Aujourd’hui, on y cache surtout des selfies ratés et des espoirs de trouver un peu de fraîcheur en août, quand le thermomètre frôle les 40°C et que même les lézards ocellés cherchent l’ombre sous les sabines (ces genévriers tordus par le vent, symboles de résistance).
Majorque, c’est aussi une île de fêtes païennes et de traditions qui résistent à l’assaut des resorts tout inclus. À Sant Antoni, en janvier, les démons (dimonis) envahissent les rues pour le Correfoc, une fête où l’on danse avec le diable au son des tambours et des pétarades. En été, les villages célèbrent leurs saints patrons avec des revetles — des veillées où l’on mange des sobrasada (ce saucisson épicé à tartiner, une tuerie sur du pain de pa de pagès) et où l’on boit du hierbas, cette liqueur anisée qui vous réchauffe l’estomac comme un soleil d’hiver. Les artisans, eux, perpétuent des savoir-faire oubliés : les potiers de Marratxí façonnent encore des siurells, ces figurines en argile sifflantes qui représentent des scènes pastorales, tandis que les llauters (charpentiers de marine) de Port de Sóller restaurent les anciens bateaux en bois avec une patience de moine.
Alors, prêt à plonger ? Voici quelques pépites pour éviter les pièges à touristes et vivre Majorque comme un local (ou presque) :
- Mangez une ensaimada à l’ancienne : Oubliez les versions industrielles. Allez chez Ca’n Joan de s’Aigo à Palma, où ces brioches en spirale, saupoudrées de sucre glace, sont préparées comme en 1700. À déguster avec un chocolat chaud épais, bien sûr.
- Perdez-vous dans les carrerons de Palma : Le quartier de Santa Catalina regorge d’ateliers d’artistes et de bars à tapas où les majorquins boivent des cañas (bières pression) en regardant le monde passer. Essayez le Bar España pour des tapas sans chichis.
- Faites un pèlerinage culinaire à Binissalem : Ce village viticole est le cœur battant du vi de la terra. Goûtez un Callet (cépage local) chez 4Kilos Vinícola, et repartez avec une bouteille pour arroser vos souvenirs.
- Assistez à une possessió (possession diabolique) à Santanyí : Chaque 17 janvier, les habitants se déguisent en démons et courent après les enfants (et les touristes courageux) avec des fourches. Un folklore à couper le souffle — et les jambes.
- Achetez un siurell à un vrai potier : À Marratxí, la famille Poteria Roig perpétue l’art des sifflets en argile depuis cinq générations. Choisissez-en un qui représente un dimoni pour frimer devant vos amis.
