La plage d’Es Trenc à Majorque n’est pas qu’une étendue de sable blanc brossée par des eaux d’un bleu hypnotique – c’est une déclaration d’amour à la Méditerranée sauvage, un lieu où le temps semble s’être arrêté entre les dunes sculptées par le vent et les posidonia oceanica ondulant sous la surface. Classée parmi les plus belles plages d’Europe, Es Trenc est ce genre d’endroit qui fait mentir les clichés sur Majorque, cette île souvent réduite à ses balles (les célèbres « villages vacance ») et ses sangrias industrielles. Ici, pas de transats alignés comme des soldats, pas de musique électro à tue-tête : juste deux kilomètres de littoral protégé, où les pins parasols se font rares et où l’on croiserait presque plus de gaviotas (mouettes) que de touristes… en théorie.
Pourtant, derrière cette carte postale idyllique se cache une réalité plus nuancée, et c’est ce qui rend Es Trenc si fascinante. Le paradoxe ? Cette plage, symbole de nature préservée, est aussi le théâtre d’une bataille silencieuse entre écologie et tourisme de masse. Les locaux, fiers de leur patrimoni natural, se battent pour limiter l’urbanisation – d’où l’absence honteuse de parkings officiels ou de restaurants en front de mer. À la place, on se gare sur des bas-côtés poussiéreux près du village de Ses Covetes, on marche dix minutes sous un soleil de plomb, et on se récompense avec une ensaimada (la brioche majorquine parfumée à la fleur d’oranger) achetée chez Ca’n Joan de s’Aigo, une institution depuis 1700. Bienvenue dans le Majorque authentique, où même les plages ont une âme… et des règles.
Entre sable immaculé et traditions vivaces : ce que Es Trenc révèle de Majorque
Es Trenc n’est pas qu’une plage, c’est un écosystème à part entière, protégé depuis 1991 comme Área Natural de Especial Interés (ANEI). Ses dunes, stabilisées par une végétation rare comme l’Euphorbia pithyusa ou le juniperus phoenicea (genévrier de Phénicie), abritent des lézards endémiques et des oiseaux migrateurs. Mais ce qui frappe surtout, c’est l’absence de chalets ou de jets-skis : ici, le seul bruit est celui des vagues et des cris des enfants jouant au pilota (un sport traditionnel majorquin proche de la pelote basque). Les seuls « équipements » sont des chiringuitos éphémères en bois, comme El Trenc, où l’on sirote une hierbas (la liqueur locale à base de plantes) en regardant les pêcheurs rentrer avec leur prise du jour – souvent des llampugas (dorades coryphènes), grillées ensuite sur des braises de sarments.
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Derrière les dunes, la vie suit un rythme ancestral. Le marché de Campos, le jeudi matin, est un festival de couleurs et de dialecte majorquin : les sobrassadas (saucisses épicées) côtoient les paniers en junc (jonc tressé), et les vieilles dames négocient le prix des tombets (ragoûts de légumes) comme on le faisait il y a un siècle. À la nuit tombée, les fêtes de sant (saints patrons) animent les places des villages voisins, comme Santanyí, où les castellers (tours humaines) défient les lois de la physique au son des xeremies (cornemuses locales). Es Trenc, en somme, est le miroir de Majorque : un mélange de simplicité rustique et de fierté culturelle, où chaque grain de sable semble raconter une histoire.
Es Trenc, la dernière plage sauvage de Majorque : entre mythe et réalité
Si vous cherchez une plage sauvage autour d’Es Trenc pour échapper aux hordes de touristes en short fluo et tongs claquantes, préparez-vous à une surprise. Es Trenc, souvent vendue comme le « Caraïbes européen », est à la fois un paradis préservé et un théâtre social fascinant. Ici, le sable blanc – un véritable talc qui colle aux doigts comme une promesse de vacances éternelles – s’étire sur près de deux kilomètres, bordé par des dunes sculptées par le tramuntana, ce vent du nord qui a le don de faire voler les serviettes et les espoirs des kitesurfeurs débutants. Les eaux turquoise, transparentes comme du verre, abritent des herbiers de posidonie, ces algues protégées qui dansent sous la surface et filtrent l’eau mieux qu’un système de luxueuse piscine à débordement.
Mais attention : Es Trenc n’est pas une plage secrète. Les Majorquins le savent bien, et les touristes aussi. Dès 10h, les parkings se remplissent de 4×4 allemands et de scooters italiens, tandis que les familles locales déballent leurs glacières remplies de ensaimadas (ces brioches enroulées saupoudrées de sucre glace, à mi-chemin entre la madeleine et le croissant) et de sobrasada, ce saucisson épicé qui tache les doigts et les consciences. Pour ceux qui veulent éviter la foule, deux options : arriver à l’aube (le lever de soleil ici est une explosion de rose et d’orange, avec les montagnes de la Serra de Tramuntana en toile de fond) ou marcher 20 minutes vers l’est, vers Ses Covetes, une crique plus petite et moins fréquentée, où les rochers forment des piscines naturelles idéales pour les enfants – ou pour les adultes qui veulent jouer aux explorateurs.
L’accès à Es Trenc est un sujet de débat local. Contrairement aux plages bétonnées de Playa de Palma, ici, pas d’hôtels en front de mer, pas de transats alignés comme des soldats. Enfin… presque. Parce que oui, on peut louer des transats et parasols à Es Trenc, mais à un prix qui fait grincer les dents (comptez 20-25€ la journée en haute saison). Les puristes hurleront au sacrilège, mais pour les familles ou ceux qui veulent éviter de trimballer leur équipement, c’est une option. Les locations sont gérées par des entreprises locales comme Trenc Paraiso ou Es Trenc Services, installées près des accès principaux. Pro tip : si vous voulez économiser, achetez un parasol décathlon à Palma et plantez-le vous-même – mais attention aux coups de vent, ces parasols finissent souvent en projectiles ou en offrandes à la mer.
Manger à Es Trenc : entre chiringuitos branchés et cellers authentiques
Parlons peu, parlons bouffe. Les restaurants et chiringuitos près de la plage d’Es Trenc sont un mélange détonant de pièges à touristes et de pépites locales. Le plus célèbre, Ca’n Joan de s’Aigo (à 10 minutes en voiture, dans le village de Ses Salines), est une institution depuis 1956. Ici, on vient pour la tumbet (un ragoût de légumes majorquin à base d’aubergines, poivrons et pommes de terre), les frito mallorquín (un plat de viande et légumes mijotés, à ne pas confondre avec la frite belge), et surtout, l’aigo – une sorte de crème glacée à base d’amandes, de citrouille ou de café, servie dans des bols en terre cuite. L’endroit est rustique, avec des tables en bois et des murs couverts de photos jaunies, mais ne vous y trompez pas : c’est ici que les habitants viennent fêter les baptêmes et les mariages.
Sur la plage même, les options sont plus limitées, mais pas désagréables. Le Chiringuito Es Trenc (oui, son nom manque d’originalité, mais bon) propose des bocadillos de calamares corrects et des pa amb oli (pain à l’huile, tomate et jambon, le sandwich national majorquin) à des prix… disons, « plage ». Pour un verre de hierro (un mélange de vin rouge et de soda, typiquement local) en regardant le coucher de soleil, c’est parfait. Mais si vous voulez éviter les prix « vue sur mer », dirigez-vous vers Ses Salines ou Colònia de Sant Jordi, où des petits restaurants comme Sa Llotja servent des poissons grillés pêchés le matin même (demandez le llampuga, un poisson local au goût puissant, ou les caldereta de langosta, une soupe de langouste à tomber).
Un mot sur l’étiquette locale : à Majorque, on ne dîné pas avant 21h, et souvent bien plus tard. Si vous arrivez à 19h30 en demandant une table, on vous regardera comme un extraterrestre affamé. Les Majorquins mangent tard, boivent lentement, et considèrent le repas comme un rituel sacré. Ne soyez pas pressé. Et si on vous propose un digestif maison (souvent une herbes, une liqueur anisée locale), acceptez – c’est soit délicieux, soit un test pour voir si vous êtes digne de confiance. Dans les deux cas, vous aurez une histoire à raconter.
Les fêtes et traditions qui animent l’été à Es Trenc
Es Trenc n’est pas qu’une plage, c’est aussi un lieu où la culture majorquine s’exprime avec force. En juillet, ne manquez pas la Festa de Sant Jaume à Ses Salines, un mélange de procession religieuse, de musique traditionnelle (avec des xeremies, ces cornemuses locales) et de danses ball de bot, où les couples tournoyent en costumes traditionnels. Le clou du spectacle ? Les cavalcades, des défilés de chevaux décorés, où les cavaliers exécutent des figures acrobatiques au galop. C’est bruyant, poussiéreux, et absolument magnifique.
En août, la plage devient le terrain de jeu des verbenas, ces fêtes nocturnes improvisées où les familles installent des tables sur le sable, allument des lanternes et mangent jusqu’au petit matin. Si vous êtes invité (ce qui arrive plus souvent qu’on ne pense, surtout si vous avez partagé votre ensaimada), apportez du vin ou des turrón (ces barres de nougat dur, héritage de l’occupation arabe). Et préparez-vous à danser la jota ou à écouter des glosadors, ces poètes improvisateurs qui racontent des histoires en vers, souvent drôles et parfois… très personnelles.
« À Es Trenc, on ne vient pas pour bronzer, on vient pour viure – vivre. La plage, c’est notre salon, notre église, notre marché. Et comme dans toute bonne maison, il y a des règles : on ne marche pas sur les serviettes des autres, on partage son ombre, et on ne se plaint pas du vent. Parce que sans le tramuntana, Es Trenc ne serait qu’un désert. »
Sports nautiques et aventures : paddle, kitesurf et autres défis salés
Si vous en avez marre de vous prélasser comme une huître au soleil, Es Trenc offre un terrain de jeu idéal pour les activités nautiques. Le spot est réputé pour le kitesurf, grâce aux vents constants (surtout l’après-midi, quand la tramuntana se lève). Les écoles locales, comme KiteSchool Mallorquín ou Trenc Kite, proposent des cours pour tous niveaux. Attention : les débutants finissent souvent par nager plus que par voler, mais c’est fait partie du rituel. Les locaux adorent regarder les « voladors » (les kitesurfeurs) s’élever au-dessus des vagues, surtout quand ils atterrissent… dans les herbiers de posidonie. Spectacle garanti.
Pour une expérience plus zen, optez pour le paddle ou le kayak. Louez une planche chez Trenc Watersports (près du parking principal) et partez explorer les criques voisines, comme Cala Llombards ou Cala Santanyí. Le matin, l’eau est si calme qu’on dirait un miroir – idéal pour pagayer jusqu’aux rochers et observer les poissons (et parfois, si vous avez de la chance, une tortue caretta caretta). Les plus aventureux peuvent tenter la traversée jusqu’à l’Illa de Cabrera, une réserve naturelle à 10 km au sud, mais prévoyez de l’eau, de la crème solaire et un bon sens de l’orientation. Ou un guide. Ou les deux.
Le bus depuis Palma : un voyage à travers l’île secrète
Si vous n’avez pas de voiture (ou si vous ne voulez pas vous battre pour une place de parking), sachez qu’il est possible d’accéder à Es Trenc en bus depuis Palma. Prenez la ligne 501 (direction Colònia de Sant Jordi) depuis la Estació Intermodal de Palma. Le trajet dure environ 1h15 et coûte moins de 10€. Mais attention : c’est un voyage à travers une Majorque que peu de touristes voient. Vous traverserez des villages comme Llucmajor, avec ses maisons en pierre dorée et ses ruelles étroites où les vieux jouent aux cartes sous les figuiers, ou Campos, où les molins de vent (moulins à vent) se dressent comme des sentinelles d’un autre temps.
Une fois arrivé à Colònia de Sant Jordi, vous aurez deux options : marcher 45 minutes jusqu’à Es Trenc (un chemin plat et ombragé par endroits, mais chaud en été), ou prendre un taxi (comptez 10-15€). Certains hôtels et chiringuitos proposent aussi des navettes en haute saison. Pro tip : si vous prenez le bus du matin (vers 9h), vous éviterez la foule et aurez la plage pour vous pendant quelques heures. Et si vous rentrez tard, préparez-vous à un coucher de soleil magique sur les salines (les marais salants) près de Ses Salines, où les flamants roses se reflètent dans l’eau saumâtre comme dans un tableau de Dalí.
L’artisanat local : ce qu’il faut rapporter (et pourquoi)
Si vous voulez rapporter un souvenir qui ne vient pas d’une usine chinoise, dirigez-vous vers les ateliers de Ses Salines ou Santanyí. Ici, les artisans perpétuent des savoir-faire anciens : les síndries (nattes en jonc tressé, utilisées autrefois pour sécher les figues), les poteries émaillées de Sa Cabaneta (un quartier de Marratxí connu pour ses ateliers), ou les bijoux en vidre de Mallorca (verre soufflé, souvent teinté en bleu ou vert, comme les eaux d’Es Trenc). Pour les gourmands, rapportez de l’huile d’olive Mallorquín (les oliviers ici ont des siècles), du sel des salines (parfumé aux herbes ou au citron), ou des sobrasada artisanales (celle de Ca’n Pety à Santanyí est légendaire).
Et si vous tombez sur un marché artisanal (comme celui de Santanyí le mercredi ou le samedi), cherchez les siurells – ces figurines en argile sifflantes, souvent en forme de cheval ou de démon, qui remontent à l’époque talayotique (l’âge du bronze majorquin). Les locaux en placent souvent sur leurs balcons pour porter bonheur. Ou pour effrayer les voisins bruyants. À vous de voir.
Au-delà d’Es Trenc : les criques secrètes et les villages oubliés
Es Trenc est magnifique, mais si vous voulez vraiment vous sentir comme un explorateur, louez un vélo ou une voiture et partez à la découverte des plages sauvages autour d’Es Trenc. À 15 minutes en voiture, Cala Llombards est une petite crique de galets aux eaux cristallines, entourée de pins. L’accès se fait par un escalier taillé dans la roche – ce qui décourage les foules. Plus au sud, Cala Figuera (non, ce n’est pas une blague, il y a vraiment une Cala Figuera et un village du même nom) est une baie étroite où les pêcheurs locaux garent encore leurs barques en bois. Si vous avez de la chance, vous y trouverez Toni el Pescador, qui vend des oursins frais et des burros (petits poissons blancs) directement sur le quai.
Pour une expérience vraiment hors des sentiers battus, dirigez-vous vers Es Caragol, une plage de sable fin accessible uniquement par un chemin de terre de 3 km (4×4 recommandé, ou bonne paire de baskets). Ici, pas de chiringuitos, pas de transats, juste des dunes, des oiseaux et le bruit des vagues. C’est l’endroit idéal pour un pique-nique solitaire ou une sieste sous un pin parasol. Et si vous croisez un troupeau de chèvres sauvages, ne paniquez pas : elles sont les vraies propriétaires des lieux. Vous n’êtes qu’un invité.
Majorque après le coucher de soleil : quand l’île se dévoile sans fard
Il y a un moment, juste après que le soleil ait plongé dans la Méditerranée comme un sou coulant dans une poche trouée, où Majorque se métamorphose. Les hordes de touristes en shorts fluo et tongs claquantes regagnent leurs hôtels all-inclusive de Playa de Palma, laissant derrière eux une île qui respire enfin. Les ruelles de Palma, encore tièdes de la journée, exhalent une odeur de sobrasada grillée mêlée à l’iode, tandis que les vieux pêcheurs de Port de Sóller vidangent leurs filets en maudissant (à moitié pour rire) les guiris qui ont piétiné leurs cales toute la journée. C’est l’hora majorquina — ce temps suspendu où l’île n’appartient plus tout à fait aux guides Lonely Planet, mais pas encore aux chats errants et aux ivrognes notoires du Paseo Marítimo.
Si vous avez eu la sagesse de louer une voiture (ou un scooter, pour les âmes aventureuses qui aiment sentir le vent leur gifler les joues comme une tante espagnole excédée), dirigez-vous vers Es Trenc, cette plage de sable blanc que les locaux appellent « le Caribbean des pauvres » — un surnom qui en dit long sur leur humour acide. À cette heure-ci, les parasols sont repliés, et les dernières familles allemandes remontent vers les parkings en traînant des enfants ensablés comme des sacs de pommes de terre. Restez. Marchez jusqu’au bout de la plage, là où les dunes se font sauvages et où l’eau est si transparente que vous distinguerez les llampugas (des dorades locales) frétiller entre vos orteils. Les Majorquins viennent ici le soir pour pêcher à la ligne ou pour s’allonger sur les rochers plats comme des lézards, un verre de hierro (un mélange local de vin rouge et de soda) à la main. Palma peut attendre.
Mais Majorque n’est pas qu’une carte postale à avaler avec une ensaimada (ce délicieux escargot de pâte feuilletée saupoudré de sucre glace, que vous trouverez dans toutes les forns de l’île). C’est aussi un territoire de contrastes brutaux, où les villages de montagne comme Valldemossa — avec ses ruelles pavées et ses maisons en pierre dorée — abritent encore des artisans qui fabriquent des siurells (ces figurines en argile sifflantes, héritées des Maures) comme on le faisait au XIIe siècle. Poussez la porte d’un atelier après 19h, et vous tomberez peut-être sur un vieil homme nommé Joan ou Pere, les doigts couverts de terre, qui vous expliquera en un mélange d’espagnol et de catalan pourquoi « les touristes achètent, mais ne comprennent jamais ». À Deià, les artistes expatriés (des Britanniques aux cheveux gris qui peignent des oliviers depuis 30 ans) se mélangent aux bergers locaux dans les bars comme Ca’s Patró March, où l’on sert des tumbet (un ragoût de légumes et de pommes de terre) accompagnés de vin de la coopérative Binigra. Ici, on parle politique — celle de Madrid, celle de Barcelone, et celle, bien plus coriace, des fincas familiales que les promoteurs immobiliers lorgnent depuis des décennies.
Et puis il y a les grottes. Pas celles, ultra-touristiques, du Drach, où des centaines de personnes se pressent pour voir un lac souterrain éclairé comme un sapin de Noël (même si, soyons honnêtes, c’est un spectacle qui mérite son prix d’entrée). Non, je parle des criques secrètes près de Cala Varques, accessibles seulement après une randonnée escarpée ou une approche en kayak, où les stalactites suintent une eau si pure qu’elle forme des piscines naturelles. Les Majorquins y viennent en cachette, le dimanche matin, avec des glacières remplies de sobrassada et de pa amb oli (du pain à l’huile d’olive, tomate et sel — ne riez pas, c’est une religion ici). Si vous osez vous aventurer vers le Cap de Formentor au crépuscule, vous comprendrez pourquoi les écrivains comme Robert Graves (enterrez-moi à Deià, avait-il demandé) et George Sand (qui y a passé un hiver à écrire et à scandaliser les locaux) en sont tombés amoureux. Le vent y est violent, les falaises sont vertigineuses, et la lumière… bon sang, la lumière. Elle vous cloue sur place, comme une révélation.
Alors, avant de boucler vos valises (ou de prolonger votre séjour, ce qui serait bien plus malin), voici quelques vérités majorquines à emporter avec vous — comme des coquillages, mais en moins encombrant :
- Ne parlez pas de « l’île de Majorque » : c’est Majorca pour les Anglais, Mallorca pour les Espagnols et les Catalans, et Mallorqua pour les puristes locaux. Prononcez mal, et on vous repérera à trois kilomètres.
- Le fiesta n’est pas une option : si vous tombez sur la Festa de Sant Sebastià à Palma (janvier) ou la Fira de Sóller (mai), préparez-vous à danser jusqu’à l’aube au son des xeremies (cornemuses locales) et à boire du gin de Majorque — une spécialité qui date de l’occupation britannique au XVIIIe siècle.
- Les Majorquins mentent (par omission) sur leurs plages préférées : ils vous enverront volontiers à Es Trenc… mais gardent jalousement les criques comme Cala Llombards ou Cala s’Almunia pour eux. Pour les trouver, il faut demander trois fois — et offrir une bière en échange.
- L’artisanat local n’est pas folklo : une vraie síndrome majorquine (une couverture en laine tissée à la main) ou un treball de llatra (des sandales en cuir tressé) coûtent cher, et c’est normal. Elles sont faites pour durer 20 ans, pas pour finir en photo Instagram.
- Le dernier mot revient toujours à la mer : que vous partiez en emportant un sac de sel de Ses Covetes (les marais salants de Campos) ou une bouteille d’huile d’olive de Son Moragues, souvenez-vous que Majorque est une île avant tout. Et les îles, comme les bonnes histoires, ont toujours deux faces : celle qu’on vous montre, et celle qu’il faut deviner.
