Il y a des dilemmes qui vous pourrissent l’existence bien avant d’avoir posé un orteil sur le sable. **Cala Macarella et Cala Turqueta à Minorque** en font partie : deux criques jumelles en apparence, mais aussi dissemblables que deux sœurs rivales. La première, Macarella, est la star capricieuse – celle que vous voyez sur toutes les cartes postales, avec ses falaises ocre qui plongent dans une eau tanto azul que duele (« si bleue que ça fait mal », comme disent les locaux). La seconde, Turqueta, est la discrète, l’ermite qui se cache derrière un sentier de pins et de genévriers, où les touristes se font plus rares… mais où les menorquins viennent pique-niquer en famille avec des paniers remplis de sobrasada et de queso mahón.
Choisir entre ces deux criques, c’est un peu comme trancher entre un concert de guitaristes flamencos et une ronda (balade) à cheval dans l’arrière-pays : les deux valent le détour, mais l’expérience n’a rien à voir. Macarella, c’est le spectacle – les bateaux de croisière au loin, les influenceurs qui posent sur les rochers, les enfants qui hurlent en sautant des falaises (bon, OK, les menorquins appellent ça saltar desde els penya-segats, et c’est une tradition). Turqueta, c’est l’intimité : un sable plus blanc, une eau plus transparente, et ce silence seulement troublé par le bruissement des llentiscles (les lézards endémiques) entre les rochers. Et puis, il y a cette question lancinante : où mange-t-on la meilleure caldereta ? (spoiler : à **Es Forn**, un restaurant de pêcheurs près de Macarella, mais chut…).
Entre falaises rouges et pins parasols : le paysage comme arbitre
Commençons par l’évidence : **Cala Macarella** est une diva. Ses falaises de grès rouge – sculptées par des millions d’années d’érosion – s’élèvent comme les décors d’un opéra, avec des strates qui racontent l’histoire géologique de Minorque (les géologues appellent ça des marès, une roche sédimentaire typique de l’île). À midi, quand le soleil tape droit, ces parois semblent s’embraser, tandis que l’eau prend des reflets émeraude. Les locaux racontent que ces rochers étaient autrefois des carrières romaines – d’où leur nom, Macarella, qui viendrait du latin macaerula (« pierre à aiguiser »). Aujourd’hui, ce sont les coixinets (les coussins de maquis) et les figuiers de Barbarie qui dominent, offrant une ombre bienvenue… quand on arrive assez tôt pour en profiter.
Découvrez les îles Baléares avec Le Routard ! De Minorque et ses criques secrètes à Majorque historique, d’Ibiza la festive à Formentera l’authentique. Ce guide mis à jour propose itinéraires thématiques, activités uniques (petit train de Palma de 1912, plongée dans la réserve marine de Minorque), visites culturelles (centre historique de Ciutadella), plus de 25 cartes détaillées et bonnes adresses. Parfait pour voyager en famille, entre amis ou en solo. Partez à la découverte de ces trésors méditerranéens hors des sentiers battus !
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**Turqueta**, elle, joue la carte de la simplicité élégante. Pas de falaises dramatiques ici, mais une calanque en forme de croissant, bordée de pins parasols et de sabines (des genévriers tordus par le vent). Le sable y est plus fin, presque poudreux, et l’eau si claire qu’on distingue les posidònies (herbiers marins protégés) à 10 mètres de profondeur. C’est d’ailleurs un spot prisé des plongeurs, qui viennent observer les llobarrots (mérous) près des rochers. L’accès se mérite : un sentier de 20 minutes depuis le parking (prévoyez de l’eau et des sandales adaptées, les cailloux sont traître). Mais c’est justement cette marche qui filtre les foules – et préserve l’âme sauvage de Turqueta. D’ailleurs, les pêcheurs du village voisin de **Sant Tomàs** y débarquent encore parfois leurs llagostes (langoustes) à l’aube, avant que les premiers touristes ne débarquent.
L’odyssée du voyageur économe : comment accéder à Cala Macarella et Cala Turqueta en bus, sans perdre son âme (ni son portefeuille)
Minorque, cette perle baléare que les Espagnols appellent Menorca, est un paradis pour ceux qui fuient les hordes de Magaluf. Mais voici le dilemme : comment atteindre ses joyaux côtiers, Cala Macarella et Cala Turqueta, sans louer une voiture (et sans se ruiner en taxis) ? La réponse tient en un mot : guagua. Oui, ce terme chantant désigne tout simplement le bus local, et c’est votre billet pour l’aventure—littérale et figurée.
Depuis Ciutadella, la ville blanche aux ruelles médiévales où l’on déguste des lobster stews (ragoûts de homard) dans des cellers enfumés, prenez la ligne 61 en direction de Sant Tomas. Descendez à l’arrêt Cala Galdana, puis embarquez sur la ligne 63, qui vous dépose à quelques centaines de mètres des criques. Comptez 2,50 € par trajet—un prix dérisoire pour un paysage qui ressemble à une peinture de Sorolla. Pro tip : les horaires sont… flexibles. En haute saison, les bus circulent toutes les 30 minutes. En basse saison, priez pour que le conducteur n’ait pas décidé de faire une sieste post-sobrasada (ce saucisson local épicé qui tache les doigts et les consciences).
Une fois descendu, préparez-vous à une marche de 15-20 minutes sur un chemin de terre battue, bordé de sabina (genévriers torsadés par le vent) et de figuiers de Barbarie. Les panneaux sont rares, mais suivez la foule—ou, en mai ou septembre, le silence bénit des meilleurs mois pour éviter la foule à Cala Macarella. En chemin, vous croiserez peut-être des menorquins en train de ramasser des caragols (escargots) pour la Festa des Caragol, une fête où l’on célèbre ces gastéropodes en les cuisinant à l’ail et au paprika. Oui, même les escargots ont leur jour de gloire ici.
Sous la surface : snorkeling et fonds marins à Cala Macarella vs Cala Turqueta, ou comment nager avec des poissons qui vous ignorent royalement
Plonger dans les eaux de Cala Macarella, c’est comme entrer dans un aquarium géant où les poissons sargo (sars) et les llamprea (murènes) jouent les stars capricieuses. Le fond marin ici est un théâtre de posidonie, cette herbe marine protégée qui oxygène la Méditerranée et sert de nurserie à des centaines d’espèces. À 5-8 mètres de profondeur, vous trouverez des grottes sous-marines où la lumière filtre à travers les parois calcaires, créant des jeux d’ombre dignes d’une cathédrale. Les locaux appellent ces formations ‘ulls de mar’—les ‘yeux de mer’—parce qu’elles semblent vous observer. Spoiler : elles s’en fichent.
À Cala Turqueta, sa voisine plus sauvage, les fonds sont moins profonds mais tout aussi riches. Ici, c’est le royaume des estels de mar (étoiles de mer) et des popets (poulpes), qui se cachent sous les rochers comme des adolescents timides. La visibilité y est souvent meilleure grâce à l’absence de sédiments, et les courants sont plus doux—idéal pour les débutants en snorkeling. Mais attention : les meduses (méduses) font parfois une apparition estivale, surtout après une tempête. Les menorquins jurent que frotter la piqûre avec de l’urine est un remède efficace. Nous n’avons pas testé. Pour votre bien.
Pour les puristes, les deux criques offrent des expériences distinctes : Macarella pour ses grottes et ses jardins de posidonie, Turqueta pour sa clarté et ses fonds sableux parsemés de coquillages. Dans les deux cas, apportez votre propre équipement—les locations sur place sont rares et souvent surtaxées. Et si vous voyez un menorquí plonger avec un harpon, ne vous inquiétez pas : c’est probablement un pêcheur traditionnel à la recherche de llobarro (mérou), une pratique réglementée mais ancrée dans la culture locale. Juste… ne vous mettez pas entre lui et son déjeuner.
La randonnée côtière entre Cala Macarella et Cala Turqueta : un sentier où chaque pas est une leçon d’humilité
Le Camí de Cavalls, ce sentier historique qui ceint l’île sur 185 km, est une institution à Minorque. La portion entre Macarella et Turqueta est l’une des plus spectaculaires—et des plus fréquentées. Comptez 1h30 de marche sur un chemin caillouteux qui serpente le long des falaises, avec des vues à couper le souffle (et les mollets). Les panneaux indicateurs sont discrets, alors gardez un œil sur les fites (bornes en pierre) qui marquent le trajet.
En route, vous croiserez des barracas, ces abris en pierre sèche construits par les paysans pour se protéger du soleil. Certains datent du XVIIIe siècle et sont encore utilisés aujourd’hui par les bergers. Si vous avez de la chance, vous tomberez sur un menorquí fabriquant du formatge de Maó (fromage de Mahón), un fromage AOP au goût noisetté, souvent accompagné de hierbas—une liqueur locale à base de plantes qui goûte à la fois le remède de grand-mère et la rébellion. ‘Un petit verre pour la route’ prend ici tout son sens.
‘À Minorque, on ne se presse pas. Le temps est comme la mer : il vient et il va, mais il revient toujours.’
Pagaie et persévérance : où louer un kayak pour explorer les criques de Minorque (et pourquoi vous allez adorer détester ça)
Si la randonnée vous semble trop terne, louez un kayak pour explorer les criques depuis la mer. Plusieurs options s’offrent à vous : à Cala Galdana, Menorca en Kayak propose des locations à la demi-journée (25-35 €) avec des parcours guidés vers Macarella et Turqueta. Plus authentique (et moins touristique) : le petit stand tenus par Toni, un local qui loue des embarctions depuis sa plage privée près de Son Xoriguer. Il ne parle pas anglais, mais son ‘sí, sí, tranquilo’ universel suffit pour comprendre que vous êtes entre de bonnes mains.
Pagayer jusqu’à Macarella depuis Galdana prend environ 45 minutes, selon votre forme physique et votre capacité à ignorer les vagues qui clapotent contre la coque. En chemin, vous passerez devant des coves (petites grottes) accessibles seulement depuis la mer, comme la Cova des Coloms, une grotte marine où les pigeons sauvages nichent depuis des siècles. Les locaux racontent que les Maures s’y cachaient pendant les raids médiévaux. Aujourd’hui, ce sont surtout des touristes en quête d’Instagram qui s’y réfugient.
Un conseil : partez tôt le matin pour éviter le vent de tramuntana, qui se lève vers 11h et peut transformer votre excursion en séance de survie. Et si vous voyez des filets flottants, c’est probablement un menorquí pêchant à la nansa (une technique traditionnelle avec des filets fixes). Ne vous en approchez pas—les pêcheurs sont sympathiques, mais leur patience a des limites.
La meilleure période pour éviter la foule à Cala Macarella : un guide pour les asociaux (et les amoureux de la tranquillité)
Minorque est une île de contrastes : en juillet et août, Cala Macarella ressemble à une plage de Barcelone un samedi après-midi. En avril, mai, ou septembre, c’est un autre monde. Les températures oscillent entre 20°C et 26°C, l’eau est à 19-22°C (parfait pour le snorkeling), et les criques sont presque désertes. Les menorquins appellent cette période ‘el bon temps’—le bon moment. Et ils ont raison.
Si vous devez absolument venir en été, arrivez avant 9h ou après 17h. Les Espagnols déjeunent tard et font la sieste, laissant les plages vides pendant ces fenêtres horaires. Et si vous croisez une festa de sant Joan (fête de la Saint-Jean) en juin, ne manquez pas les cavalcades—des défilés de chevaux noirs minorquins (une race locale), où les cavaliers exécutent des ‘bot’ (sauts acrobatiques) au rythme des xeremies (cornemuses traditionnelles). C’est le genre de spectacle qui vous fait oublier les touristes bruyants.
L’artisanat local : ce que vous rapporterez (et ce que vous regretterez de ne pas avoir acheté)
À Ciutadella, le marché artisanal de Plaça des Born regorge de trésors : des avarcas (sandales en cuir faites main), des paniers en junc (joncs tissés), et des poteries émaillées aux motifs géométriques inspirés des taules (sites mégalithiques de l’île). Les prix sont raisonnables—comptez 40-60 € pour une paire d’avarcas qui durera 10 ans. En revanche, méfiez-vous des ‘souvenirs’ made in China vendus près des plages. Un menorquí vous dira : ‘Si c’est pas fait ici, c’est pas Minorque.’
Et puis il y a le gin de Minorque. Oui, vous avez bien lu. Les Britanniques, qui ont occupé l’île au XVIIIe siècle, y ont introduit la distillation du gin. Aujourd’hui, des marques comme Xoriguer (distillée à Mahón) produisent un gin aux baies de genièvre locales, souvent servi avec du limonada (limonade maison) et une branche de romarin. Un goût qui résume Minorque : à la fois sauvage et raffiné, avec une pointe de rébellion.
Menorca et Majorque : quand les Baléares se dévoilent entre criques turquoise et villages suspendus dans le temps
Il y a des endroits où la lumière semble couler comme du miel doré sur les pierres blanchies à la chaux, où l’air sent le romarin sauvage et le sel, et où le temps se mesure en siestes post-prandiales plutôt qu’en heures. Les Baléares, cet archipel espagnol planté en Méditerranée comme un joyau oubliée entre Barcelone et Valence, sont de ceux-là. Mais attention : Ciutadella, avec ses ruelles étroites où résonne encore le canto de las sibil·les (un chant liturgique médiéval unique au monde, classé par l’UNESCO), n’a rien à voir avec la frénésie des clubs de Palma. Ici, on déguste des caldereta de langosta (ragoût de langouste) dans des cellers voûtés du XVIIIe siècle, tandis que les pêcheurs rentrent à l’aube avec leurs llàuts (barques traditionnelles) chargées de dorades et de poulpes. La différence entre Minorque et Majorque ? La première est réserve de biosphère depuis 1993, un paradis pour les randonneurs qui cherchent des plages comme Cala Macarella, où l’eau est si transparente qu’on dirait une piscine naturelle creusée dans la roche. La seconde, Majorque, abrite des villages comme Sóller, accessible par un train en bois centenaire qui serpente entre les orangers, ou Valldemossa, où Chopin composa ses préludes dans un monastère silencieux.
Prenez Cala Turqueta, à Minorque : pour y arriver, il faut marcher 20 minutes sur un sentier caillouteux, bordé de figuiers de Barbarie et de genévriers tordus par le vent. À l’arrivée, une anse de sable blanc, encadrée de falaises ocre, où les locaux pique-niquent avec des ensaimadas (ces brioches en spirale saupoudrées de sucre glace, héritées des Maures) et des sobrasada (saucisse épicée à tartiner, à base de porc noir). Personne ne crie, personne ne court. Les enfants construisent des châteaux de sable, les ados plongent depuis les rochers, et les vieux pêcheurs réparent leurs filets à l’ombre des pins parasols. C’est ça, Minorque : une île où le tourisme de masse n’a jamais vraiment pris, où les fincas (fermes traditionnelles) sont encore exploitées par les mêmes familles depuis des générations, et où les fêtes comme la Festa de Sant Joan (en juin) transforment les places en arènes de chevaux noirs galopant au rythme des xeremies (cornemuses locales). À Majorque, en revanche, l’été explose avec les moros i cristians (reconstitutions de batailles médiévales entre Maures et Chrétiens), surtout à Pollença, où les rues se remplissent de costumes brodés et de poudre à canon.
Mais ne vous y trompez pas : ces îles ne sont pas des musées. À Ciutadella, les artisans de la Av. de sa Constitució fabriquent encore des abarcas (sandales en cuir tressé) comme au XIXe siècle, tandis que les jeunes designers réinventent la céramique traditionnelle avec des motifs géométriques audacieux. À Sóller, le marché du samedi matin est un festival de couleurs : étals de tumbet (ratatouille majorquine), fromages de chèvre affiné au romarin, et ces oranges sanguines si sucrées qu’elles en deviennent presque écœurantes. Et puis il y a les bodegas secrètes, comme Can Pety à Valldemossa, où l’on goûte des vins de prensal blanc (un cépage autochtone) dans des caves creusées dans la pierre volcanique. Ici, le vin a un goût de terre et de soleil, et le propriétaire vous racontera comment ses grands-parents cachaient les bouteilles des soldats français pendant la guerre.
Ce qui frappe, finalement, c’est cette dualité : d’un côté, des paysages à couper le souffle, de l’autre, une culture qui refuse de se laisser folkloriser. Les Minorquins, par exemple, parlent encore leur propre dialecte, le menorquí, et se battent pour limiter le nombre de lits touristiques. À Majorque, les habitants de Valldemossa ont obtenu que les cars de croisière ne puissent plus entrer dans le centre historique. « No som un parc temàtic » (« Nous ne sommes pas un parc à thème »), peut-on lire sur les murs de Palma. Alors oui, vous viendrez pour les plages, pour les calas aux noms de rêves (Cala Varques, Cala Deià), pour les couchers de soleil depuis le Cap de Formentor. Mais vous repartirez en parlant des gens : de Tomeu, le vieux berger qui vous a offert un morceau de formatge de tupí (fromage fermenté dans une outre de peau de chèvre), ou de Marga, la tenancière du bar à tapas qui vous a expliqué pourquoi la sopa mallorquina (une soupe à base de pain, de légumes et de viande) est bien meilleure réchauffée le lendemain.
Si vous voulez éviter les pièges à touristes (et croyez-moi, il y en a), voici quelques règles d’or à garder en tête :
- Évitez juillet-août : les Baléares sont littéralement prises d’assaut. Préférez mai-juin ou septembre-octobre, quand les températures sont encore douces et les plages désertes.
- Louez une voiture (ou un scooter) : les transports en commun sont limités, et les plus beaux coins (comme Cala Turqueta) sont inaccessibles autrement.
- Mangez local : oubliez les restaurants avec menus en 10 langues. Cherchez les cellers ou les cafés de port où les pêcheurs mangent. Un bon signe ? Si le menu est écrit à la main en catalan.
- Respectez les siestas : entre 14h et 17h, tout ferme. Profitez-en pour faire comme les locaux : une pause à l’ombre avec un livre (ou une sieste, soyons honnêtes).
- Apprenez quelques mots : un simple « Bon dia » (bonjour) ou « Merci molte » (merci beaucoup) en menorquí ou majorquin ouvrira des portes (et des sourires).
