L’Île Maurice n’est pas qu’une carte postale de sable blanc et de lagons turquoise. Derrière ses paysages de rêve se cache une dégustation de rhum et une Route du Thé bien plus enivrantes que le cocktail servi à votre hôtel. Ici, le sucre de canne se transforme en rhum arrangé aux épices locales dans des alambics centenaire, tandis que les collines de Bois Chéri ou de La Chartreuse exhalent les parfums boisés du thé noir, héritage d’une époque coloniale aussi douce-amère que la mélasse. Ce n’est pas un hasard si les Mauriciens appellent leur île un « melting pot » : chaque gorgée, chaque bouchée raconte une histoire de métissage, de résistance et de savoir-faire.
Mais attention, ces circuits gourmands ne sont pas une simple balade touristique. Ils révèlent les contradictions d’une société où le luxe côtoie la ruralité, où les rhums premium comme le New Grove ou le Chamarel se dégustent à deux pas des tablettes d’attiéké (semoule de manioc) vendues dans des échoppes en tôle. Entre deux verres, on croise des ouvriers agricoles descendants d’engagés indiens, des artisans créoles qui distillent leur propre « dikou » (rhum artisanal), et des Franco-Mauriciens qui perpétuent la tradition du thé comme au temps des « Old Colonial Days ». Prêt à troquer votre transat contre une aventure sensorielle ?
Des distilleries de rhum aux plantations de thé : un voyage dans le temps
Commencez par le sud sauvage, où la distillerie de Chamarel domine une vallée aux terres ocre, comme un hommage à la canne à sucre qui fit la richesse (et la douleur) de l’île. Ici, on ne parle pas de rhum industriel, mais de cuvées vieillies en fûts de chêne, infusées à la vanille de Madagascar ou au fruit de la passion. Le maître-distillateur, souvent un Mauricien « blanc » (descendant de colons), vous expliquera comment la fermentation longue donne ce goût « ronchon » (puissant) typique, tandis qu’un vieux « ti-souris » (petit verre) vous attendra à la sortie, accompagné d’un gâteau piment (beignet épicé) pour adoucir l’ardeur. À quelques kilomètres, le Domaine des Aubineaux, ancienne propriété sucrière reconvertie en musée, rappelle que cette douceur cache une histoire d’esclavage – les murs en pierre de taille ont été bâtis par des mains anonymes.
Direction ensuite les hauteurs de Bois Chéri, où la Route du Thé serpente entre des plantations créées en 1892 par des Britanniques nostalgiques de leurs five o’clock. Aujourd’hui, les cueilleuses, majoritairement des femmes d’origine tamoule, parcourent les rangées de Camellia sinensis avec des paniers en osier, comme au siècle dernier. La dégustation a lieu dans une factory aux machines rouillées, où l’on vous servira un thé vanillé ou fumé, accompagné de napolitaines (biscuits locaux) trempées dedans – un péché mignon mauricien. Saviez-vous que le thé de Maurice, moins connu que celui du Kenya ou de Ceylan, est pourtant l’un des plus « terroir » au monde ? Son goût minéral vient des sols volcaniques, et son amertume douce rappelle que même les paysages idylliques ont leurs aspérités.
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La rhumerie de Chamarel : un voyage sensoriel au cœur de Maurice, entre alambics et traditions créoles
Si vous pensez que Maurice se résume à des plages de carte postale et des hôtels tout compris, préparez-vous à une claque olfactive et culturelle. La visite de la rhumerie de Chamarel est l’antidote parfait à l’image lisse du tourisme balnéaire. Ici, à 300 mètres d’altitude, dans les terres volcaniques du sud-ouest de l’île, l’air est lourd de l’odeur des cannes à sucre en fermentation, un parfum âcre et sucré qui colle aux vêtements comme une promesse d’ivresse future. Fondée en 2008, cette distillerie est une jeune pousse à l’échelle des standards mauriciens, mais elle a su s’imposer comme une référence, notamment pour ses rhums agricoles – oui, comme en Martinique, mais avec une touche locale bien à elle.
Les horaires et tarifs 2024 sont conçus pour les early birds et les flâneurs : ouvert de 9h30 à 17h30, avec des visites guidées toutes les heures (dernière à 16h30). Comptez 600 MUR (environ 12€) pour la visite standard, dégustation incluse – un prix modeste pour un voyage qui commence dans les champs de canne environnants et se termine avec un verre de rhum arrangé (plus là-dessus plus tard) qui vous fera oublier les piña coladas sirupeuses de la côte. Les guides, souvent des locaux fiers de leur héritage, racontent l’histoire avec une verve qui oscille entre pédagogie et humour morisien (le créole mauricien). Saviez-vous que la canne à sucre, introduite par les Hollandais au XVIIe siècle, est devenue le symbole d’une économie de plantation… et de résistance ? Les esclaves, puis les engagés indiens, ont transformé cette culture en art. Aujourd’hui, Chamarel perpétue cette alchimie.
La visite elle-même est un ballet bien huilé : on vous montre les alambics en cuivre étincelants (importés de France, parce que bon, le savoir-faire a ses limites géographiques), les fûts de chêne où vieillit le rhum, et surtout, on vous explique pourquoi le terroir volcanique de Chamarel donne à leurs rhums des notes minérales uniques. Goûtez le Rhum Agricole Blanc 50° – un coup de poing fruité qui réveille les papilles – ou le VSOP, vieilli 4 ans, aux arômes de vanille et d’épices douces. Et si vous êtes là en août ou septembre, vous tomberez peut-être sur la Fête du Rhum, où l’île entière semble ivre de fierté (et d’alcool).
De la canne au thé : combiner visite de distillerie et randonnée à Chamarel pour une journée inoubliable
Chamarel n’est pas qu’une affaire de rhum. C’est aussi un paysage lunaire où la terre rouge, riche en oxyde de fer, contraste avec des cascades cachées et une forêt primaire qui résiste encore à l’homme. Pour les amoureux de randonnée, le sentier de la Rivière Noire (environ 3h aller-retour) serpente à travers des gorges et des points de vue à couper le souffle. Partez tôt pour éviter la chaleur, et terminez votre marche par un détour à la cascade de Chamarel – un bassin naturel où les locaux pique-niquent avec des dholl puri (une sorte de pancake épicé fourré aux pois cassés, à ne pas manquer) et des gâteaux piments (beignets de lentilles corail, ultra-addictifs).
Mais voici le combo gagnant : après la randonnée, direction la rhumerie pour une dégustation bien méritée. Les ateliers de dégustation pour débutants (proposés à 15h, sur réservation) sont parfaits pour comprendre pourquoi un rhum vieilli en fût de bourbon a des notes de caramel, ou comment un rhum arrangé à la vanille et aux écorces d’orange peut devenir une obsession. Pro tip : demandez à goûter leur rhum arrangé « Spice Island », infusé avec des épices locales (cannelle, girofle, cardamome) – c’est comme boire Maurice en une gorgée.
Si vous avez encore de l’énergie, faites un détour par le Parc National des Gorges de Rivière Noire, où les sentiers mènent à des points de vue comme Pétrin ou Alexandra Falls. Les guides locaux, souvent des chasseurs devenus écogardes, connaissent chaque arbre (le bois de natte, utilisé pour les meubles artisanaux) et chaque oiseau (le pigeon des mares, endémique et timide). Et si vous croiser un singe macaque, ne le nourrissez pas – ils sont malins, voleurs, et ont un faible pour les sandwichs au thon.
Où acheter du rhum arrangé artisanal à Maurice : les adresses secrètes des connaisseurs
Le rhum arrangé, c’est un peu la madeleine de Proust des Mauriciens : chaque famille a sa recette, transmise de génération en génération. À la rhumerie de Chamarel, vous trouverez des bouteilles toutes prêtes (comptez 1 200 à 2 500 MUR, soit 25-50€), mais pour l’authentique, il faut chercher ailleurs. Direction Port-Louis, le marché central, où les étals de Madame Lala (demandez, tout le monde la connaît) regorgent de bouteilles étiquetées à la main, avec des mélanges audacieux : rhum au fruit de la passion et piment, ou à la feuille de vacoa (un pandanus local).
Autre spot : La Case à Rhum, une petite boutique à Trou-aux-Biches, tenue par un certain Monsieur Jean-Pierre, qui distille ses propres recettes dans son arrière-cour. Son rhum arrangé à la vanille bourbon et à la noix de coco est une tuerie – et il offre des ateliers de dégustation pour débutants le samedi matin, où il explique comment doser le sucre et les épices pour éviter que votre mélange ne ressemble à un sirop contre la toux. Un conseil : achetez une bouteille de son « Pirate’s Blend » (rhum vieilli, écorces d’orange amère et clou de girofle) et gardez-la pour les soirées d’hiver en métropole – ça réchauffe le cœur et les souvenirs.
« Un bon rhum arrangé, c’est comme une histoire d’amour : ça doit avoir du temps, des épices, et un peu de folie. »
— Un vieux distillateur de Chamarel, entre deux verres.
Les meilleurs domaines de thé à Maurice : quand la dégustation devient un art de vivre
Passons des alambics aux théiers. Maurice n’est pas le Sri Lanka, mais ses domaines de thé valent le détour, ne serait-ce que pour le contraste saisissant entre les plantations vert émeraude et les montagnes environnantes. Le plus célèbre ? Bois Chéri, dans le sud, où les collines en terrasses rappellent les paysages de Darjeeling. La visite (environ 500 MUR, 10€) inclut une dégustation de leurs thés noirs, verts et aromatisés – essayez le thé à la vanille, une spécialité locale qui sent bon l’enfance.
Mais pour une expérience plus intimiste, direction Le Domaine des Aubineaux, près de Moka. Ce domaine familial, en activité depuis 1872, propose des dégustations authentiques dans une vieille maison coloniale, avec des thés cultivés sans pesticides et des anecdotes sur l’époque où les engagés indiens chantaient en cueillant les feuilles. Leur thé bleu (un oolong léger) est une révélation. Et si vous y allez en octobre, vous pourrez assister à la Fête du Thé, où les cueilleuses (oui, c’est encore majoritairement un métier de femmes) dansent au rythme du sega (la musique traditionnelle mauricienne) entre deux rangées de théiers.
L’art de marier rhum et thé : une tradition mauricienne méconnue
Here’s a fun fact: les Mauriciens adorent mélanger rhum et thé. Pas n’importe comment, bien sûr. Le « thé punché » est une institution : un thé noir corsé (souvent du Bois Chéri), sucré à l’excès, avec un trait de rhum blanc et une rondelle de citron vert. C’est la boisson des matins de pêche à Mahébourg, ou des veillées entre voisins. Pour le goûter dans les règles, rendez-vous au Marché de Curepipe, où les « tea stalls » (échoppes à thé) servent ce breuvage revigorant dans des verres en plastique recyclé.
Si vous voulez reproduire ça chez vous, voici la recette (de Tante Marie, une légende locale) : faites bouillir de l’eau avec des feuilles de thé noir, ajoutez une cuillère à soupe de sucre par tasse (oui, c’est beaucoup), versez un peu de rhum agricole (le Rhum Blanc 50° de Chamarel fait des miracles), et terminez avec une touche de citron. À siroter en regardant le coucher de soleil sur la Montagne des Trois Mamelles – ou, à défaut, depuis votre balcon en imaginant très fort.
Au-delà des dégustations : l’artisanat et les fêtes qui font battre le cœur de Maurice
Une visite à Maurice sans s’intéresser à son artisanat, c’est comme boire du rhum sans ice (c’est-à-dire une hérésie). À Chamarel, les ateliers de vannerie en vacoa (ces fibres tirées du pandanus) proposent des paniers et des chapeaux tissés à la main – parfaits pour rapporter un souvenir qui ne ressemble pas à un bibelot made in China. Et si vous passez par Goodlands, arrêtez-vous chez L’Atelier de Sylvette, où une artisan d’origine rodriguaise (une île sœur de Maurice) crée des bijoux en corail et coquillages, inspirés des légendes créoles.
Enfin, pour vivre Maurice comme un local, calquez votre voyage sur son calendrier festif. En février, ne manquez pas le Cavadee (fête tamoule où les dévots marchent sur des charbons ardents), et en décembre, le Sega Festival à Flic-en-Flac, où la musique, la danse et le rhum coulent à flots. Et si on vous invite à un « soupe » (un repas communautaire), allez-y : vous y mangerez du cari zourit (un ragoût de poulpe épicé), boirez du rhum jusqu’à l’aube, et comprendrez enfin pourquoi les Mauriciens sourients même quand la mousson menace.
Maurice, bien plus qu’un décor de carte postale : quand le sucre se mêle au sel de l’océan Indien
Si vous pensez que Maurice se résume à des plages de sable blanc ourlées de filao et à des cocktails servis dans des noix de coco, vous avez partiellement raison—mais vous passez à côté de l’âme du pays. Derrière les terres colorées de Chamarel, qui semblent peintes à la main par un géologue ivre de rhum arrangé, et les eaux turquoise où s’ébattent les touristes en route vers l’Île aux Cerfs, il y a une île qui gronde, sue et chante. Une île où l’on cultive encore la canne à sucre comme on le faisait il y a deux siècles, où les temples hindous côtoient les églises catholiques sans sourciller, et où le sega—cette danse née de l’esclavage—résonne encore dans les veines des Mauriciens. Ici, même le vent a un accent : un mélange de créole roulé, de français traîné et d’anglais colonial, le tout saupoudré d’expressions bhojpuri ou mandarin selon le quartier.
Prenez la route du sud, vers Bois Chéri, la plantation de thé perchée à 600 mètres d’altitude. L’air y est frais, chargé de l’odeur âcre des feuilles en train de sécher, et la vue embrasse des collines striées de rangées de théiers soigneusement alignés, comme des soldats en parade. Les cueilleuses, souvent des femmes d’origine tamoule ou créole, travaillent avec une précision chirurgicale, leurs mains agiles arrachant les jeunes pousses avec une rapidité qui défie l’œil. Elles vous raconteront, si vous leur demandez avec respect, comment leurs grands-mères faisaient de même sous le soleil de plomb, pour un salaire de misère. Aujourd’hui, le thé de Maurice—comme le thé vanillé ou le thé citronnelle—se déguste dans les salons de Port-Louis ou s’exporte en Europe, mais son goût porte encore la mémoire des coolies indiens et des esclaves africains. Ne repartez pas sans goûter un dholl puri (une galette plate fourrée de pois cassés, servie avec du rougail et des achards) chez un vendeur ambulant près de la plantation : c’est le casse-croûte national, aussi bon marché que savoureux.
À Port-Louis, la capitale, le marché central est un bordel organisé où se pressent épices, tissus, légumes inconnus des Européens (le brède mafane, par exemple, une herbe piquante qui fait pleurer les yeux) et des montagnes de litchis ou de letchis, selon la saison. Les étals de gâteaux piments—ces beignets de lentilles corail ultra-épicés—côtoient ceux des boulettes (soupes chinoises-mauriciennes) et des samoussas triangulaires, frits à l’huile de palme. Les cris des marchands en créole (« Mo pe vend zoli pomme d’amour, madame ! ») se mêlent aux appels à la prière des mosquées voisines. Si vous avez le temps, suivez notre itinéraire d’un jour pour éviter de vous perdre dans ce labyrinthe sensoriel—mais perdez-vous quand même un peu. C’est dans ces ruelles que vous tomberez sur un atelier de modelage sur bois de vacoa (un palmier local), où des artisans sculptent des statues de dieux hindous ou des maquettes de vieux voiliers, avec une patience qui force l’admiration.
Et puis, il y a les montagnes. Le Morne Brabant, cette masse rocheuse isolée qui domine le sud-ouest, est bien plus qu’un spot de rando instagrammable. C’est un symbole de résistance : au XIXe siècle, des esclaves en fuite (les marrons) s’y réfugiaient, défiant les colons français puis britanniques. Aujourd’hui, les Mauriciens y grimpent en pèlerinage le 1er février, jour de l’abolition de l’esclavage, pour honorer leurs ancêtres. Les 7 Cascades de Tamarin, elles, offrent une randonnée aquatique à travers des bassins naturels où l’on se baigne sous des chutes d’eau, entouré de lianes et de bois de natte. Attention aux singes—ils adorent voler les sandwiches (et les appareils photo).
Pour finir, voici quelques expériences à ne pas manquer—parce que Maurice se mérite, et que ses trésors ne se révèlent qu’à ceux qui osent sortir des sentiers balisés par les clubs Med :
- Assister à une cérémonie du Cavadee (février) : cette fête tamoule, où les dévots percent leur peau avec des aiguilles en l’honneur de Muruga, est à la fois hypnotique et bouleversante. Les processions partent des temples de Triolet ou Montagne Longue.
- Déguster un alouda à Curepipe : ce dessert glacé à base de lait, d’agar-agar et de sirop de rose (ou vanille) est une institution. Essayez-le chez Chez Rosy, une échoppe mythique.
- Visiter l’atelier de La Case Crocheteur à Goodlands : ici, on fabrique encore des paniers en vacoa comme au XIXe siècle, une technique classée au patrimoine immatériel de l’UNESCO.
- Faire un tour au Marché de Mahébourg le lundi : c’est le jour où les pêcheurs vendent leur prise (thons, capitaines, vieux rouges) et où les vieilles dames négocient le prix des piments oiseau comme si leur vie en dépendait.
- Ecouter du sega tipik dans un bar la case : ces petits bars en tôle, éclairés à la lampe à pétrole, sont les derniers bastions de la musique traditionnelle. Demandez aux locaux où en trouver—ils vous enverront peut-être vers La Case Noyale, près de Souillac.
